sexta-feira, 10 de maio de 2013

la ‘théorie de tout’ (lettre à J. B. Callicott)



Bonjour, heureux anniversaire, happy birthday to you !

J’espère que vous soyez capable de lire en français, car moi-même je suis nul en anglais.
Je viens de lire votre texte « The Science as natural philosophy » dans un volume portugais de 2004 (Cristina Beckert (org.), Éticas e Políticas ambientais) et j’ai eu beaucoup d’estime pour votre courage. Signalé notamment dans votre conviction que ‘au début du XXIe  siècle, notre équivalent à Descartes et à Newton ira reconstruire, dans la science, un nouveau paradigme post-moderne, convaincant et solide, la ‘théorie de tout’ si souhaitée’ ; cela m’a beaucoup touché car, par un chemin divergent du vôtre puisque ‘continental’, je suis arrivé fort surpris au bout d’une vingtaine d’années à quelque chose de pareil, car ce n’était pas mon but explicite.

Quelques différences donc.
1)    Il ne faut pas ‘un’ penseur seul, mais plusieurs, autant philosophes que scientifiques, soit les trois grands phénoménologues, Husserl, Heidegger, Derrida, et les principales découvertes scientifiques du XXe  siècle : théorie de l’atome et de la molécule, biologie moléculaire et neuronale, double articulation du langage (Saussure, Martinet), inceste et exogamie (Lévi-Strauss), théorie des pulsions de Freud. 4 de ces découvertes répondent des 4 grandes scènes historiques que les sciences nous ont révélées : du cosmos (tout ce qui a noyau atomique), écologique (avec ADN), sociétés humaines (unités locales avec discipline concernant la sexualité), savoir occidental (alphabet, définition) ; entre parenthèses, ce qui de chaque ‘chose’ est inhibé dans la scène comme condition d’y circuler. Il a suffi d’un type moyen qui a eu la chance de mettre des géants en rapport entre eux.
2)    Le tournant de la phénoménologie : les différences avant les substances (Heidegger, Derrida). Reformulée, elle est ‘appliquée’ aux découvertes des sciences, celles-ci reprennent leur dimension philosophique que Kant avait suspendu (votre ‘philosophie naturelle’) ; c’est donc philosophie avec sciences (et pas ph ‘des’ sc), les sciences font aussi partie de la philosophie. C’est la scène qui donne ses choses, la force de son hétéronomie en retrait leur laisse autonomie. Mais la physique, avec ses champs de forces attractives, y cède sa place prépondérante à la biologie, elle devient une sorte de post-scriptum, décrite ‘après’ les autres, ce qui va dans la bonne direction de l’écologie, de l’éthique de la Terre.
3)    La Physique d’Aristote (l’étant en mouvement) a été la seule philosophie avec sciences qu’il y eût en Occident jusqu’ici. Rendue possible par l’invention de la définition (Socrate et Platon), appliquée par lui à la phusis. Elle devrait être remplacée par cette phénoménologie scientifique, si elle est acceptée, ce qui n’est pas du tout sûr, cela va de soi.
4)    L’autre moment décisif de l’histoire de la pensée occidentale, suite à celle de la définition, a été l’invention du laboratoire scientifique qui a ajouté à la définition des expériences de mouvement mesurées. Équations théoriques dont les variables sont les mesures des résultats expérimentaux, là est le cœur de la physique, quoi qu’il en soit des interprétations des physiciens (changeantes) : c’est par là qu’elle a rendu possible la technique qui ‘applique’ ces équations. Mais il faut ajouter que c’est cela qui a rendu possible la trouvaille phénoménologique des différences (les mesures, dans le cas) avant les choses mesurées, réduites par la mathématique.
5)    Le troisième moment, l’invention de la machine (puis de l’électricité), donc de l’industrie. La machine (notre voiture) a une anatomie semblable à celle des vivants, mutatis mutandis, qui n’a pas changé depuis Watt.
6)    Je dois dire que je ne crois pas au ‘post’ : la mécanique de Newton, avec ses équations, continue valable dans de nombreux domaines des ingénieurs, les équations de Einstein valent pour des vitesses proches de la lumière, les quantiques pour les dimensions des particules des grands accélérateurs. En en tenant compte, on retrouve les équations de Newton et de ses laboratoires ‘terrestres’ (mais j’ai beaucoup aimé vos considérations finales sur la technologie).
7)    Ce que je propose est systématique mais chaque ‘chose’ est indéterminée, à partir des inertes (roche et érosion, fer et oxydation) et gagnant de l’autonomie avec la complexité jusqu’aux énigmes des oiseaux, mammifères et des humains.
8)    Pour arriver à ceci, il a fallu faire un pas au-delà de Kuhn et pénétrer dans les paradigmes théoriques pour y déceler un obstacle philosophique, le dualisme sujet / objet, et en refaire la description théorique de ‘l’anatomie’ des choses dans chaque scène, en conséquence. On ne peut pas se fier aux seuls savants de laboratoire, tout ignorants que nous sommes de ce qui s’y déroule, car eux, ils ne savent pas qu'ils dépendent de la philosophie ‘moderne’, européenne, que le lycée nous a donné à tous avant que nous sachions nous défendre, ce que Althusser appelait « la philosophie spontanée des savants ».
9)    Je suis pour l’écologie, comme tout le monde, mais n’en connais pas assez pour lier mon travail à ces questions si graves et urgentes.

Voici. Si vous lisez donc en français, j’ai deux blogues où je m’explique un peu et où sont cités les deux livres concernant cette découverte.
Bonnes choses
F. Belo